Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/579

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étant moins commodes que celles qu’il avait d’ordinaire, sa chemise ne voulait jamais y demeurer, quelque prière qu’il lui en fît ; car, sachant son état, il tachait incessamment d’y donner ordre, et ce fut toujours inutilement ; de sorte que madame la Dauphine ne put tenir plus longtemps les éclats de rire ; ce fut une grande pitié ; la majesté du roi en pensa être ébranlée, et jamais il ne s’était vu, dans les registres de l’ordre, l’exemple d’une telle aventure. Il est certain, ma chère bonne, que si j’avais eu mon gendre dans cette cérémonie, j’y aurais été avec ma chère fille. Il y avait bien des places de reste, tout le monde ayant cru qu’on s’y étoufferait, et c’était comme à ce carrousel. Le lendemain, toute la cour brillait de cordons bleus ; toutes les belles tailles, et les jeunes gens par-dessus les justaucorps, les autres dessous. Vous aurez à choisir, tout au moins en qualité de belle taille. On m’a dit qu’on manderait aux absents de prendre le cordon que le roi leur envoie avec la croix : c’est à M. le chevalier à vous le mander. Voilà le chapitre des cordons bleus épuisé.

Le roi d’Angleterre a été pris, dit-on, en faisant le chasseur et voulant se sauver. Il est à Whitehall[1]. Il a son capitaine des gardes, ses gardes, des milords à son lever ; mais tout cela est fort bien gardé. lie prince d’Orange à Saint-James[2], qui est de l’autre côté du jardin. On tiendra le parlement : Dieu conduise cette barque ! La reine d’Angleterre sera ici mercredi ; elle vient à Saint-Germain, pour être plus près du roi et de ses bontés.

L’abbé Têtu est toujours très-digne de pitié ; fort souvent l’opium ne lui fait rien ; et quand il dort un peu, c’est d’accablement, parce qu’on a doublé la dose. Je fais vos compliments partout où vous le souhaitez ; les veuves vous sont acquises, et sur la terre et dans le troisième ciel. Je fus le jour de l’an chez madame Croiset ; j’y trouvai Rubentel, qui me dit des biens solides de votre enfant, et de sa réputation naissante, et de sa bonne volonté, et de sa hardiesse à Philisbourg. On assure que M. de Lauzun a été trois quarts d’heure avec le roi : si cela continue, vous jugez bien qu’il voudra le ravoir.


276. — DE Mme DE SEV1GNÉ À Mme DE GRIGNAN.

À Paris, mercredi 5 janvier 1689.

Je menai hier mon marquis avec moi ; nous commençâmes par

  1. Palais des rois d’Angleterre dans le faubourg de Westminster, à Londres.
  2. Autre palais des rois d’Angleterre, voisin de Whitehall.