Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/589

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pris sérieusement et de travers tout mon badinage. Ah ! ma fille, que je comprends parfaitement vos larmes, quand vous vous représentez ce petit garçon à la tête de sa compagnie, et tout ce qui peut arriver de bonheur et de malheur à cette place ! L’abbé Têtu est toujours dans ses vapeurs très-noires. J’ai dit à madame de Coulanges toutes vos douceurs : elle veut toujours vous écrire dans ma lettre ; mais cela ne se trouve jamais. M. le chevalier ne veut pas qu’on finisse en disant des amitiés ; mais malgré lui je vous embrasserai tendrement, et je vous dirai que je vous aime avec une inclination naturelle, soutenue de toute l’amitié que vous avez pour moi, et de tout ce que vous valez. Eh bien ! quel mal trouve-t-il à finir ainsi une lettre, et à dire ce que l’on sent et ce que l’on pense toujours ?

Bonjour, monsieur le comte ; vous êtes donc tous deux dans les mêmes sentiments pour vos affaires et pour votre dépense ? Plût à Dieu que vous eussiez toujours été ainsi ! Bonjour, Pauline, ma mignonne ; je me moque de vous, après avoir pensé six semaines à me donner un nom entre ma grand’mère et madame ; enfin vous avez trouvé madame.


281. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

À Paris, lundi 24 janvier 1689.

Enfin votre Durance a laissé passer nos lettres : de la furie dont elle court, il faut que la glace soit bien habile pour l’attraper et pour l’arrêter. Nous avons eu de cruels temps et de cruels froids. et je n’en ai seulement pas été enrhumée. J’ai gardé plusieurs fois la chambre de M. le chevalier ; et, pour parler comme madame de Coulanges, il n’y avait que lui qui fût à plaindre de la rigueur de la saison ; mais je vous dirai plus naïvement qu’il me semble qu’il n’était point fâché que j’y fusse. Voilà le dégel ; je me porte si bien, que je n’ose me purger, parce que je n’ai rien à désirer, et que cette précaution me paraît une ingratitude envers Dieu. M. le chevalier n’a plus de douleurs ; mais il n’ose encore hasarder Versailles. Il faut que je vous dise un mot de madame de Coulanges, qui me fit rire, et me parut plaisant. M. de Barillon est ravi de retrouver toutes ses vieilles amies ; il est souvent chez madame de la Fayette et chez madame de Coulanges : il disait l’autre jour à cette dernière : « Ah ! madame, que votre maison me plaît ! j’y viendrai bien les « soirs, quand je serai las de ma famille. » Monsieur, lui dit-elle,