Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/605

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des sentiments pour nous, dont vous seriez contente. Me voilà plantée pour quelques jours ; car ma belle-fille regarde comme moi les Rochers du coin de l’œil, mourant d’envie d’aller s’y reposer ; elle ne peut soutenir longtemps l’agitation que donne l’arrivée de madame de Chaulnes : nous prendrons notre temps ; je l’ai toujours trouvée fort vive, fort jolie, m’aimant beaucoup, charmée de vous et de M. de Grignan ; elle a un goût pour lui qui nous fait rire[1]. Mon fils est toujours aimable ; il me paraît fort aise de me voir ; il est fort joli de sa personne : une santé parfaite, vif, et de l’esprit ; il m’a beaucoup parlé de vous et de votre enfant, qu’il aime ; il a trouvé des gens qui lui en ont dit des biens dont il a été touché et surpris ; car il a, comme nous, l’idée d’un petit marmot, et tout ce qu’on en dit est solide et sérieux. Un mot de votre santé, ma chère enfant ; la mienne est toute parfaite, j’en suis surprise ; vous avez des étourdissements, comment avez- vous résolu de les nommer, puisque vous ne voulez plus dire des vapeurs ? Votre mal aux jambes me fait de la peine : nous n’avons plus ici notre capucin, il est retourné travailler avec ce cher camarade, dont les yeux vous donnent de si mauvaises pensées ; ainsi je ne puis rien consulter ni pour vous ni pour Pauline. Je vous exhorte toujours à bien ménager le désir qu’a cet enfant de vous plaire ; vous en ferez une personne accomplie : je vous recommande aussi d’user de la facilité que vous trouvez en elle de vous servir de petit secrétaire, avec une main toute rompue, une orthographe correcte ; aidez-vous de cette petite personne. Adieu, ma très-chère et très-aimable ; je vous écrirai plus exactement dimanche.


290. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

À Rennes, dimanche 15 mai 1689.

Monsieur et madame de Chaulnes nous retiennent ici par tant d’amitiés, qu’il est difficile de leur refuser encore quelques jours. Je crois qu’ils iront bientôt courir à Saint-Malo, où le roi fait travailler : ainsi nous leur témoignerons bien de la complaisance, sans qu’il nous en coûte beaucoup. Cette bonne duchesse a quitté son cercle infini pour me venir voir, si fort comme une amie, que vous l’en aimeriez : elle m’a trouvée comme j’allais vous écrire, et m’a bien priée de vous mander à quel point elle est glorieuse de m’avoir ame

  1. Madame de Sévigné, belle-fille, n’avait jamais vu M. de Grignan