Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/610

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tique, et que vous me l’auriez conseillé vous-même. Mon fils en est ravi, et m’en remercie : le voilà qui entre.

Monsieur de Sévigné.

Rienn’estsi vrai, matrès-belle petite sœur : madame de Chaulnes tut saisie du refus de ma mère : elle se tut, elle rougit, elle s’appuya ; et quand ma mère eut fait sa réflexion, et lui eut dit qu’elle était toute prête d’aller, si cela lui était bon, ce fut une joie si vraie et si naturelleque vous en auriez été touchée. Je ne savais ce qui se passait ; je le sus peu de temps après : et, indépendamment de ce qu’ils veulent faire tomber sur moi cette année, s’ils en sont les maîtres, il était impossible de manquer à cette complaisance, sans manquer en même temps à tous les devoirs de l’amitié et de l’honnêteté ; de sorte que je vous prie de l’en bien remercier, ainsi que j’ai fait. Madame de Chaulnes a des soins de sa santé qui nous doivent mettre en repos.

Madame de Sévigné.

Je reçois votre lettre du 16, elle est trop aimable, et trop jolie, et trop plaisante : j’ai ri toute seule de l’embarras de vos maçons et de vos ouvriers : j’aime fort la liberté et le libertinage de votre vie et de vos repas, et qu’un coup de marteau ne soit pas votre maître. Mon Dieu ! que je serais heureuse de tater un peu de cette sorte de vie avec une telle compagnie ! rien ne peut m’ôter au moins l’espérance de m’y trouver quelque jour. Comme cette partie dépend de Dieu, je le prie de le vouloir bien, et je l’espère. Je n’eusse jamais cru que le beurre dût être compté dans l’agrément de vos repas ; je pensais qu’il fallait que vous fussiez en Bretagne. Mais je ne veux jamais oublier la raison qui fait que vous mangez tant que l’on veut ; c’est que vous n’avez point de faim. Je mangerai tant que Von voudra, car je ri ai plus de faim ; je vous remercie de cette phrase. Je vous assure que je suis bien lasse des grands repas ; je mangerais tant que ton voudrait, s' il ri y avait rien à manger : voilà celle que je vous rends. Hélas ! je suis bien loin de la tristesse et de la solitude del 'entre-chien et loup ; je ne souhaite que de m’y retrouver ; je ne fais rien que par raison et par politique. Voici une invention de me faire passer les jours avec une langueur qui me fera vivre plus longtemps qu’à l’ordinaire : Dieu le veut : je conserverai ma santé autant que je pourrai ; je suis ravie de la perfec-