Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/646

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gui sait que Dieujait tout, et qui aime tout ce que Dieu fait f Voilà sur quoi je vous laisse, mon cher cousin.


310. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À M. DE COULANGES, QUI ETAIT

ALORS À ANGI-LE-FRANC, CHEZ M, ue DE LOUYOIS.

À Grignan, le 9 septembre 1694.

J’ai reçu plusieurs de vos lettres, mon cher cousin ; il n’y en a point de perdues, ce serait grand dommage, elles ont toutes leur mérite particulier, et font la joie de toute notre société : ce que vous mettez pour adresse sur la dernière, en disant adieu à tous ceux que vous nommez, ne vous a brouillé avec personne : Au château royal de Grignan. Cette adresse frappe, donne tout au moins le plaisir de croire que, dans le nombre de toutes les beautés dont votre imagination est remplie, celle de ce château, qui n’est pas commune, y conserve toujours sa place, et c’est un de ses plus beaux titres : il faut que je vous en parle un peu, puisque vous l’aimez. Ce vilain degré par où l’on montait dans la seconde cour, à la honte des Adhémars, est entièrement renversé, et fait place au plus agréable qu’on puisse imaginer ; je ne dis point grand, ni magnifique, parce que ma fille n’ayant pas voulu jeter tous les appartements par terre, il a fallu se réduire à un certain espace, où l’on a fait un chef-d’œuvre. Le vestibule est beau, et l’on y peut manger fort à son aise ; on y monte par un grand perron ; les armes de Grignan sont sur la porte ; vous les aimez, c’est pourquoi je vous en parle. Les appartements des prélats, dont vous ne connaissez que le salon, sont meublés fort honnêtement, et l’usage que nous en faisons est très-délicieux. Mais puisque nous y sommes, parlons un peu de la cruelle et continuelle chère que l’on y fait, surtouten ce tempsci ; ce ne sont pourtant que les mêmes choses qu’on mange partout, des perdreaux, cela est commun ; mais il n’est pas commun qu’ils soient tous comme lorsqu’à* Paris chacun les approche de son nez en faisant une certaine mine, et criant : Ah, quel fumet ! sentez un peu ; nous supprimons tous ces étonnements ; ces perdreaux sont tous nourris de thym, de marjolaine, et de tout ce qui fait le parfum de nos sachets ; il n’y a point à choisir : j’en dis autant de nos cailles grasses, dont il faut que la cuisse se sépare du corps à la première semonce (elle n’y manque jamais), et des tourterelles toutes parfaites aussi. Pour les melons, les figues et les muscats, c’est une chose étrange : si nous voulions, par quelque bizarre fau-