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à la sainte et modeste sépulture de madame de Guise, dont le renoncement à celle des rois, ses aïeux, mérite une couronne éternelle[1]. Je trouve M. de Saint-Géran trop heureux ; et vous aussi, d’avoir à consoler madame sa femme : dites-lui pour nous tout ce que vous trouverez à propos. Et pour madame de Miramion, cette mère de l’Église, ce sera une perte publique[2]. Adieu, mon cher cousin, je ne saurais changer de ton. Vous avez fait votre jubilé. Le charmant voyage de Saint-Martin a suivi de près le sac et la cendre dont vous me parliez. Les délices dont M. et madame de Marsan jouissent présentement méritent bien que vous les voyiez quelquefois, et que vous les mettiez dans votre hotte ; et moi Je mérite d’être dans celle où vous mettez ceux qui vous aiment ; mais je crains que vous n’ayez point de hotte pour ces derniers.


317. — DE Mme LA COMTESSE DE GRIGNAN AU PRÉSIDENT

DE MOULCEAU.

Le 28 avril 1696.

Votre politesse ne doit point craindre, monsieur, de renouveler ma douleur[3], en me parlant de la douloureuse perte que j’ai faite. C’est un objet que mon esprit ne perd pas de vue, et qu’il trouve si vivement gravé dans mon cœur, que rien ne peut l’augmenter ni le diminuer. Je suis très-persuadée, monsieur, que vous ne sauriez avoir appris le malheur épouvantable qui m’est arrivé, sans répandre des larmes ; la bonté de votre cœur m’en répond. Vous perdez une amie d’un mérite et d’une fidélité incomparables ; rien n’est plus digne de vos regrets : et moi, monsieur, que ne perdé-je point ! quelles perfections ne réunissait-elle point, pour être à mon égard, par différents caractères, plus chère et plus précieuse ! Une perte si complète et si irréparable ne porte pas à chercher de consolation ailleurs que dans l’amertume des larmes et des gémissements. Je n’ai point la force de lever les yeux assez haut pour trouver le lieu

  1. Elle avait voulu être enterrée aux Carmélites.
  2. « Madame de Miramion mourut à Paris ; c’est une grande perte pour les pauvres, à qui elle faisait beaucoup de bien. Elle avait travaillé à beaucoup de bons établissements de charité, qui presque tous avaient réussi. Le roi l’aidait dans les bonnes œuvres qu’elle faisait, et ne lui refusait jamais rien. » (Mémoires de Dangeau, 24 mars 1696, tome II, page 41.)
  3. Madame de Sévigné était morte le 17 avril, et l’on avait caché pendant quelques jours ce malheur à madame de Grignan.