Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/78

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M. de Montausier vient d’être fait gouverneur de M. le Dauphin.

Je l’ai comblé de biens, je t’en veux accabler[1].

Adieu, comte. Présentement que je vous ai battu, je dirai partout que vous êtes le plus brave homme de France, et je conterai notre combat le jour que je parlerai des combats singuliers. Ma fille vous fait ses compliments. L’opinion que vous avez de sa fortune nous console un peu.


16. — DE Mme DE SÉVIGNÉ AU COMTE DE BUSSY-BABURIN.

À Paris, ce 4 décembre 1668

N’avez-vous pas reçu ma lettre où je vous donnais la vie, et où je ne voulais pas vous tuer à terre ? J’attendais une réponse sur cette belle action : vous n’y avez pas pensé ; vous vous êtes contenté de vous relever, et de reprendre votre épée, comme je vous l’ordonnais. J’espère que ce ne sera pas pour vous en servir jamais contre moi.

Il faut que je vous apprenne une nouvelle qui, sans doute, vous donnera de la joie : c’est qu’enfin la plus jolie fille de France épouse, non pas le plus joli garçon, mais un des plus honnêtes hommes du royaume : c’est M. de Grignan, que vous connaissez il y a longtemps. Toutes ses femmes sont mortes pour faire place à votre cousine, et même son père et son fils, par une bonté extraordinaire ; de sorte qu’étant plus riche qu’il n’a jamais été, et se trouvant d’ailleurs, et par sa naissance, et par ses établissements, et par ses bonnes qualités, tel que nous le pouvions souhaiter, nous ne le marchandons point, comme on a accoutumé de faire : nous nous en fions bien aux deux familles qui ont passé devant nous. Il paraît fort content de notre alliance ; et aussitôt que nous aurons des nouvelles de l’archevêque d’Arles son oncle, son autre oncle Févêque d’Uzès étant ici, ce sera une affaire qui s’achèvera avant la fin de l’année. Comme je suis une dame assez régulière, je n’ai pas voulu manquer à vous en demander votre avis et votre approbation. Le public paraît content, c’est beaucoup : car on est si sot, que c’est quasi sur cela qu’on se règle.

Voici encore un autre article sur quoi je veux que vous me contentiez, s’il vous reste un brin d’amitié pour moi. Je sais que vous

  1. Allusion à ces vers de Corneille dans Cinna, Ve acte, scène 3 :
    Tu trahis mes bienfaits, je les veux redoubler ;
    Je t’en avais comblé, je t’en veux accabler.