Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/79

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avez mis au bas du portrait que vous avez de moi, que j’ai été mariée à un gentilhomme breton, honoré des alliances de Vassé et de Rabutin. Cela n’est pas juste, mon cher cousin ; je suis depuis peusi bien instruite de la maison de Sévigné, que j’aurais sur ma conscience de vous laisser dans cette erreur. Il a fallu montrer notre noblesse en Bretagne, et ceux qui en ont le plus ont pris plaisir de se servir de cette occasion pour étaler leur marchandise ; voici la nôtre :

Quatorze contrats de mariage de père en fils ; trois cent cinquante ans de chevalerie ; les pères quelquefois considérables dans les guerres de Bretagne, et bien marqués dans l’histoire ; quelquefois retirés chez eux comme des Bretons, quelquefois de grands biens, quelquefois de médiocres, mais toujours de bonnes et de grandes alliances ; celles de 350 ans, au bout desquels on ne voit que des noms de baptême, sontdu Quelnec, Montmorency, Baraton et Châteaugiron. Ces noms sont grands ; ces femmes avaientpour maris des Rohan et des Clisson ; depuis ces quatre, ce sont des Guesclin, des Coaquin, des Rosmadec, des Clindon, des Sévigné de leur même maison ; des du Bellay, desRieux, des Bodégal, des Plessis-Ireul, et d’autres qui ne me reviennent pas présentement, jusqu’à

Vassé et jusqu’à Rabutin. Tout cela est vrai, il faut m’en croire

Je vous conjure donc, mon cousin, si vous me voulez obliger, de changer votre écriteau ; et si vous n’y voulez point mettre de bien, n’y mettez point de rabaissement. J’attends cette marque de votre justice, et du reste d’amitié que vous avez pour moi.


17. — DE Mme DE SÉVIGNÉ AU COMTE DE BUSSY-RABUTIN.

À Paris, ce 7 janvier 16(59.

Il est tellement vrai que je n’ai point reçu votre réponse sur la lettre où je vous donnais la vie, que j’étais en peine de vous, et je craignais qu’avec la meilleure intention du monde de vous pardonner (comme je ne suis pas accoutumée à manier une épée), je ne vous eusse tué sans y penser. Cette raison seule me paraissait bonne à vous pour ne m’avoir point fait de réponse. Cependant vous me l’aviez faite, et l’on ne peut pas avoir été mieux perdue qu’elle ne l’a été. Vous voulez bien que je la regrette encore. Tout ce que vous écrivez est agréable ; et si j’eusse souhaité la perte de quelque chose, ce n’eût jamais été pour cette lettre-là. Vous me dites très-naïvement tous les écriteaux qui sont au bas de mes portraits ; je suis persuadée que ceux qui en ont parlé autrement ont menti ;