Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/93

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point, quand vous croyez que je suis occupée de vous encore plus que vous ne l’êtes de moi, quoique vous me le paraissiez plus que je ne vaux. Si vous me voyez, vous me voyez chercher ceux qui en veulent bien parler ; si vous m’ écoutez, vous entendez bien que j’en parle. C’est assez vous dire que j’ai fait une visite à l’abbé Guêton, pour parler des chemins et de la route de Lyon. Je n’ai encore vu aucun de ceux qui veulent me divertir ; en paroles couvertes, c’est qu’ils veulent m’empêcher de penser à vous, et cela m’offense. Adieu, ma très-aimable, continuez à m’écrire et à m’aimer ; pour moi, je suis tout entière à vous, j’ai des soins extrêmes de votre enfant. Je n’ai point de lettres de M. de Grignan, et je ne laisse pas de lui écrire.


27. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GBJGNAN.

Vendredi 13 février 1671, chez M. de Coulances.

Monsieur de Coulanges veut que je vous écrive encore à Lyon : je vous conjure, ma chère enfant, si vous vous embarquez, de descendre au Pont-Saint-Esprit. Ayez pitié de moi ; conservez-vous, si vous voulez que je vive. Vous m’avez si bien persuadée que vous m’aimez, qu’il me semble que, dans la vue de me plaire, vous ne vous hasarderez point. Mandez-moi bien comme vous conduirez votre barque. Hélas ! qu’elle m’est chère et précieuse cette petite barque que le Rhône m’emporte si cruellement ! J’ai ouï dire qu’il y avait eu un dimanche gras, mais ce n’est que par ouï dire ; et je ne l’ai point vu. J’ai été farouche au point de ne pouvoir pas souffrir quatre personnes ensemble. J’étais au coin du feu de madame de la Fayette. L’affaire de Mellusine est entre les mains de Langlade[1], après avoir passé par celles de M. de la Rochefoucauld et de d’Hacqueville. Je vous assure qu’elle est bien confondue et bien méprisée par ceux qui ont l’honneur de la connaître. Je n’ai pas encore vu madame d’Arpajon[2] ; elle a une mine satisfaite qui m’importune. Le bal du mardi gras pensa être renvoyé ; jamais il ne fut une telle» tristesse[3] ; je crois que c’était votre absence qui en était cause. Bon Dieu ! que de compliments j’ai à vous faire ! que d’amitiés ! que de soins de savoir de vos nouvelles ! que de louanges l’on vous donne !

  1. Homme attaché à la maison de Bouillon, et depuis secrétaire du cabinet.
  2. Voyez la note de la lettre du 9 février 1671.
  3. Madame de Montespan et madame de la Vallière n’y parurent point ; celle-ci, après avoir écrit au roi, venait de se réfugier au couvent de Chaillot.