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HISTORIETTES, CONTES ET FABLIAUX


peuses, nous en sommes maintenant tous bien sûrs, mais ces funestes apparences, hélas, n’étaient-elles donc pas contre toi ? — Il fallait m’estimer, Luxeuil, et vous ne m’auriez pas cru faite pour vous tromper, il fallait moins écouter votre désespoir que les sentiments que je m’étais flattée de vous inspirer. Que cet exemple apprenne à mon sexe que c’est presque toujours par trop d’amour… presque toujours en cédant trop vite que nous perdons l’estime de nos amants… Ô Luxeuil, vous m’eussiez mieux aimée, si je vous eusse aimé moins vite, vous m’avez punie de ma faiblesse, et ce qui devait affermir votre amour est ce qui vous a fait soupçonner le mien. — Que tout s’oublie de part et d’autre, interrompit le comte ; Luxeuil, votre conduite est blâmable et si vous ne vous étiez pas offert de la réparer à l’instant, si je n’en eusse pas connu la volonté dans votre cœur, je ne vous aurais vu de ma vie. Quand on aime bien, disaient nos anciens troubadours, eût-on entendu, eût-on vu quelque chose au désavantage de sa mie, on ne doit croire ni ses oreilles ni ses yeux, il faut n’écouter que son cœur[1]. Mademoiselle, j’attends votre rétablissement

  1. Ce sont les troubadours provençaux qui disaient cela, ce ne sont pas les picards.