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iv
AVANT-PROPOS


reçoit la version définitive, d’une noble calligraphie sertie d’un cadre à l’encre rouge.

Ainsi celui qui débutera dans les lettres, à cinquante et un ans, par le coup de tonnerre de Justine, s’adonne passionnément à l’art d’écrire. Homme de lettres, il sait qu’il le sera, il sent qu’il l’est, de toute la force de son orgueil, et la vraisemblance veut que ce soit son œuvre qu’il juge lui-même dans cette note hautaine : « Il n’y a ni conte ni roman dans toute la littérature de l’Europe où le genre sombre soit porté à un degré plus effrayant et plus pathétique. »

Mais s’il témoigne, dans le genre sombre, d’une maîtrise que nul ne lui ravira, Sade ne néglige aucun artifice pour en tirer le plus grand effet. Voici en quels termes il annonce son recueil de contes : « Contes et fabliaux du XVIIIe siècle par un troubadour provençal ; cet ouvrage forme quatre volumes avec une estampe à chaque conte ; ces histoires sont entremêlées de manière qu’une aventure gaie et même polissonne, mais toujours contenue dans les règles de la pudeur et de la décence, suit immédiatement une aventure sérieuse ou tragique… » Il ne fallait pas espérer de rendre au lecteur ce curieux enchaînement : Sade le rompit lui-même en publiant, comme on sait, onze « nouvelles héroïques et tragiques » tirées de cet