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LE PRÉSIDENT MYSTIFIÉ
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çait à ne pas trop savoir à quoi s’en tenir, lorsque le médecin s’approchant et lui tâtant le pouls : Ceci est plus sérieux que le dernier accident, dit Delgatz en baissant les yeux, c’est un reste ignoré de notre dernière maladie, un feu couvert qui échappe à l’œil intelligent de l’artiste et qui éclate au moment où l’on y pense le moins. Il y a une obstruction décidée dans le diaphragme et un éréthisme prodigieux dans l’organisation. — Un hérétisme, s’écria le président furieux, que veut dire ce drôle-là avec son hérétisme ? Apprends, faquin, que je n’ai jamais été hérétique, on voit bien, vieux sot, que peu versé dans l’histoire de France tu ignores que c’est nous qui brûlons les hérétiques : va visiter notre patrie, bâtard oublié de Salerne, va, mon ami, va voir Mérindol et Cabrières fumer encore des incendies que nous y portâmes, promène-toi sur les fleuves de sang dont les respectables membres de notre tribunal arrosèrent si bien la province, entends encore les gémissements des malheureux que nous immolâmes à notre rage, les sanglots des femmes que nous arrachâmes du sein de leur époux, le cri des enfants que nous écrasâmes dans le sein de leur mère, examine enfin toutes les saintes horreurs que nous commîmes et tu verras si d’après une aussi sage conduite il appartient à