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LA MARQUISE DE TELÊME
OU LES EFFETS DU LIBERTINAGE


Depuis environ dix-huit mois le marquis de Telême, homme d’une très bonne maison, mais peu opulent, venait d’épouser à Poitiers, sa patrie, l’une des plus belles et des plus riches héritières de la province ; nul ménage n’était plus uni ; l’aisance, la concorde, l’urbanité, la confiance réciproque, l’estime et l’amour le plus tendre resserraient chaque jour les nœuds touchants de ces deux époux : on ne les voyait point sans admiration, on ne les fréquentait point sans respect. Mais ce n’est pas sans raison qu’on a peint le maître des dieux entre deux vases énormes dont l’un est rempli de maux, l’autre de prospérités : sa main, dit-on, verse toujours pur ce qu’elle prend dans le premier vase ; répand-elle un peu du second, ce n’est jamais sans le mélanger. En six semaines, une maladie épidémique fait perdre à la jeune marquise tous ses parents : un inconnu survient,