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circonstance oblige de défendre, imprime la même terreur à celui qui s’en est rendu coupable ; qu’on affiche au-dessus d’une porte qu’il est défendu de la franchir, qui que ce soit ne l’essayera, sans une sorte de frémissement ; et dans le fait, cette action ne sera pourtant pas mauvaise. C’est donc de la seule défense que naît la terreur éprouvée, et nullement de l’action elle-même, qui, comme on voit, peut inspirer cette même crainte, quoiqu’elle n’ait rien de criminelle. Cette pusillanimité, qui accompagne le meurtrier, ce petit moment de frayeur, tient donc infiniment plus au préjugé qu’à l’espèce d’action. Que pendant un mois la chance tourne, que le glaive de Thémis frappe, ce que vous appelez la vertu, et que les loix récompensent le crime ; vous verrez à l’instant le vertueux frémir et le scélérat tranquille, en se livrant l’un et l’autre à leurs actions favorites. La nature n’a donc point de voix ; celle qui tonne en nous, n’est donc plus que celle du préjugé, qu’avec un peu de force nous pouvons absorber pour toujours. Il est pourtant un organe sacré qui retentit en nous, avant la voix de l’erreur ou de l’éducation ; mais