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Il y a deux observations essentielles à faire lorsque l’on est décidé à commettre un crime d’amusement : la première est de lui donner toute l’extension dont il est susceptible ; la seconde est qu’il soit d’une telle force qu’on ne puisse jamais le réparer. Cette dernière circonstance est d’autant plus nécessaire, qu’elle étouffe le remord ; car ce qui console le remord quand on l’a ressenti, c’est presque toujours l’idée de pouvoir l’appaiser ou l’anéantir par la réparation du mal que l’on a fait. Cette idée l’endort, et ne l’éteint pas ; à la plus petite maladie, au plus petit calme des passions, il reparaît et vous désespère ; si au lieu de cela, l’action commise est d’un tel genre qu’elle ne vous laisse plus le moindre espoir à la réparer, la raison dans ce cas anéantit le remord. À quoi servirait-il de se repentir d’un mal que rien ne réparera jamais ; cette réflexion souvent présentée l’extirpe entièrement ; et dans quelque situation que vous puissiez vous trouver, vous ne le sentez plus. En ajoutant à cela la multiplicité, vous acheverez de vous calmer tout-à-fait. D’un côté l’impossibilité de la réparation, de l’autre celle de pouvoir deviner duquel il faut se repentir