Page:Sade - Les crimes de l'amour, Nouvelles héroïques et tragiques, tome 3, 1799.djvu/90

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dans mon cœur en autant de serpens qui le dévorent !… Mon père… mon père… sauvez-moi de mon désespoir… il faut ou que j’expire, ou que Laurence soit fidelle.

Il ne pouvait y avoir au monde que la seule âme du féroce Strozzi, que de tels accens ne déchirassent pas ; mais les méchans se plaisent au spectacle des maux qu’ils causent, et chacune des gradations de la douleur dont ils absorbent leurs victimes, est une jouissance pour eux. Ceux qui connaîtront l’espèce d’âme où le crime établit son empire, imagineront aisément que celle de Charles devait être loin de s’ébranler à cette douloureuse scène ; le barbare, au contraire, est enchanté de voir son fils dans la situation où il le veut, pour s’assure ; du crime qu’il ose en attendre. À force de prières, Antonio consentit pourtant à passer le reste de la nuit sans voir Laurence ; il s’abîma dans sa douleur sur un fauteuil près du lit de Charles, et le jour vint enfin éclairer la scène horrible qui allait convaincre Antonio.