Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/319

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mort, je l’ai méritée ; si je n’ai été pour vous qu’un bon père, venez défendre, avec moi, ma femme & mes enfants.

Les nègres jettèrent de grands cris ; ils jurèrent, en montrant le ciel & mettant ensuite la main sur la terre, qu’ils périroient tous pour nous défendre ; il y en eut qui se donnèrent de grands coups de couteau dans les chairs, pour nous prouver combien il leur en coûtoit peu de répandre leur sang pour nous ; d’autres alloient embrasser les enfants de Wilmouth.

Comme John étoit maître de la plaine, il étoit impossible de se retirer à la ville, il falloit nous défendre dans notre habitation : je proposai aux nègres de retrancher un magasin qui étoit à quatre cent pas de la maison ; ce magasin devoit être une forteresse contre des ennemis sans artillerie. Les nègres y travaillèrent sur le champ, & grace à leur zèle, l’ouvrage fut bientôt achevé.

Parmi les esclaves de Wilmouth, il y avoit un nègre nommé Francisque ; je l’avois trouvé abandonné sur le rivage d’une colonie Espagnole : on venoit de lui couper la jambe, une jeune négresse étanchoit son sang & pleuroit de l’inutilité de ses soins. Elle avoit auprès d’elle un enfant de