Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/344

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plus occupés que de nous & de leur reconnaissance. Je n’ai jamais vu d’homme, même de nègre, exprimer si vivement & si bien ce sentiment aimable.

On vint donner avis à Ziméo que les troupes Angloises étoient en marche ; il fit sa retraite en bon ordre. Ellaroé & Matomba fondoient en larmes en nous quittant ; ils vouloient porter toute leur vie le nom de nos esclaves ; ils nous conjuroient de les suivre dans la montagne : nous leur promîmes de les aller voir, aussi-tôt que la paix seroit conclue entre les nègres-marons & notre colonie. Je leur ai déjà tenu parole, je me propose d’aller jouir encore des vertus, du grand sens & de l’amitié de Ziméo, de Matomba & d’Ellaroé.

J’ajouterai à ce récit quelques réflexions sur les nègres.

Mon séjour dans les Antilles & mes voyages en Afrique, m’ont confirmé dans une opinion que j’avois depuis long-tems. C’est que les peuples d’Europe sont comme beaucoup d’hommes en place qui commencent par être injustes, & finissent par calomnier les victimes de leur injustice. Les négociants qui font la traite des nègres, les