Page:Saint-Martin - Poésies, 1860.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.




LE CIMETIÈRE D’AMBOISE.




J’aime à porter mes pas dans l’asile des morts.
Là, mourant au mensonge, il me faut moins d’efforts
Pour comprendre leur langue et saisir leur pensée,
Car les morts ne l’ont pas, cette idée insensée,
Que tout s’éteint dans l’homme. En eux, tout est vivant.
Pour eux, plus de silence. Auprès d’eux l’on entend
Les sanglots du pécheur ; les fureurs de l’impie ;
Les cantiques du sage ; et la douce harmonie
De ceux dont l’amitié, le zèle et la vertu
N’ont formé qu’un seul cœur pendant qu’ils ont vécus.
Homme, c’est ici-bas qu’il a pris la naissance,
Ce néant où l’on veut condamner ton essence ;
Et c’est ta propre erreur qui lui sert de soutien.
Tu sais tout ! tu peux tout ! et tu veux n’être rien !....
N’être rien !.... et saisir et juger la lumière !....
Laisse à l’homme égaré ces rêves de la terre :
Nous n’étions qu’assoupis dans nos corps ténébreux.
Quand le temps nous arrache à leurs débris fangeux,
L’heure qui nous réveille est une heure éternelle.
Oh ! juste, quel transports ! quelle splendeur nouvelle !