Page:Saint-Martin - Poésies, 1860.djvu/46

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Tu prends un autre corps, au creuset du tombeau ;
Un vif éclat, toujours plus brillant et plus beau ;
Un coup d’œil plus perçant ; une voix plus sonore ;
Un cœur même plus pure. Ainsi quand j’évapore
Ces fluides grossiers où le snl est captif,
Son feu reprend sa force, et devient plus actif.
Sur ce tertre, voisin du lieu qui m’a vu naître,
J’errais seul. Nos tombeaux, pour ce site champêtre,
M’inspiraient un attrait doux et religieux.
Sage Burlamaqui, c’est non loin de ces lieux,
Que tu sanctifias l’aurore de mon âge ;
Qu’un feu sacré, sorti de ton profond ouvrage,
Agitant tout mon corps de saints frissonnements,
De la justice, en moi, grava les fondements :
Faveurs, dans mon printemps, si neuves, si divines !
Mais qui cachait, hélas ! de cuisantes épines !
Le temps les fit oclorc. Aussi je méditais
Sur nos jours de douleurs. Pensif, je mesurais
Ce long aveuglement qu’on appelle la vie.
Quels tourmente ! quels dégoûts ! Dans ma mélancolie,
Je ne distinguais rien. Tout autour de ces champs,
A peine je voyais ces jardins élégants,
Où Choiseul déploya le faste et l’opulence,
Ces modestes rochers qu’habité l’indigence ;
Ce célèbre château qui vit naître autrefois
Les malheurs trop fameux du règne des Valois.
Un deuil me semblait même, oh ! plaintive nature,
Voiler tous ces trésors, dont tu fais ta parure ;
Ces moissons, ces forêts, ces animaux épars,
Ce fleuve, ce beau ciel offerts à mes regards.