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Mais, pas de Féminisme. Le Féminisme est une erreur politique. Le Féminisme est une erreur cérébrale de la femme, erreur que reconnaîtra son instinct.

Il ne faut donner à la femme aucun des droits réclamés par les féministes. Les lui accorder n’amènerait aucun des désordres souhaités par les Futuristes, mais, au contraire, un excès d’ordre.

Donner des devoirs à la femme, c’est lui faire perdre toute sa puissance féconde. Les raisonnements et déductions féministes ne détruiront pas sa fatalité primordiale : ils ne peuvent que la fausser et l’obliger à se manifester à travers des détours qui conduisent aux pires erreurs.


Depuis des siècles, on heurte l’instinct de la femme, on ne prise plus que son charme et sa tendresse. L’homme anémique, avare de son sang, ne lui demande plus que d’être une infirmière. Elle s’est laissé dompter. Mais criez-lui une parole nouvelle, lancez un cri de guerre, et avec joie, chevauchant à nouveau son instinct, elle vous précédera vers des conquêtes insoupçonnées.

Quand vos armes devront servir, c’est elle qui les fourbira.

Elle aidera de nouveau à la sélection. En effet, si elle sait mal discerner le génie parce qu’elle s’en rapporte à la renommée passagère, elle a toujours su récompenser le plus fort, le vainqueur, celui qui triomphe par ses muscles et son courage. Elle ne peut s’égarer sur cette supériorité qui s’impose brutalement.

Que la Femme retrouve sa cruauté et sa violence qui font qu’elle s’acharne sur les vaincus, parce qu’ils sont des vaincus, jusqu’à les mutiler. Qu’on cesse de lui prêcher la justice spirituelle à laquelle elle s’est efforcée en vain. Femmes, redevenez sublimement injustes, comme toutes les forces de la nature !

Délivrées de tout contrôle, votre instinct retrouvé, vous reprendrez place parmi les Éléments, opposant la fatalité à la consciente volonté de l’homme. Soyez la mère égoïste et féroce, gardant jalousement ses petits, ayant sur eux ce qu’on appelle tous les droits et les devoirs, tant qu’ils ont physiquement besoin de sa protection.

Que l’homme, libéré de la famille, mène sa vie d’audace et de conquête, dès qu’il en a la force physique, et malgré qu’il soit fils, et malgré qu’il soit père. L’homme qui sème ne s’arrête pas sur le premier sillon qu’il féconde.

Dans mes Poèmes d’orgueil et dans La soif et les mirages, j’ai renié le Sentimentalisme, comme une faiblesse méprisable, parce qu’il noue des forces et les immobilise.

La luxure est une force, parce qu’elle détruit les faibles, excite les forts à la dépense des énergies, donc à leur renouvellement. Tout peuple héroïque est sensuel. La femme est, pour lui, le plus exaltant des trophées.

La femme doit être mère ou amante. Les vraies mères seront toujours des amantes médiocres et les amantes des mères insuffisantes, par excès. Égales devant la vie, ces deux femmes se complètent. La mère qui reçoit l’enfant, avec du passé fait de l’avenir ; l’amante dispense le désir qui entraîne vers le futur.