Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/404

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pas vu Millain, qui m’y suivroit. C’étoit pour résumer tout, et prendre tous trois ensemble nos dernières mesures sur tout ce qui pouvoit arriver. Je leur rendis compte alors de la déclaration en faveur du comte de Toulouse, que j’avois fait faire, et que je l’avois laissée à Millain avec celle qu’il avoit faite, duquel je louai aussi l’ouvrage pour la réduction des bâtards à leur rang de pairie ; je l’avois oublié dans la conversation. Le nom de Millain, quand M. le Duc me demanda si je l’avois vu, m’en fit souvenir.

Je m’en revins chez moi plus content et plus tranquille que je n’avois encore été. Je croyois notre besogne aussi arrangée qu’il étoit possible, les inconvénients prévus et prévenus le plus qu’il se trouvoit dans la nature des choses ; la nôtre à nous tout à fait assurée, le régent prenant force et courage, nul de nous ne se démentir, le secret encore tout entier, la mécanique toute prête et les moments s’approcher. Satisfoit de moi-même d’avoir sincèrement fait tout ce qui avoit été en moi, de front, de biais, par adresse et de toutes parts, tant envers le régent qu’auprès de M. le Duc, pour sauver le duc du Maine, dans la seule vue du bien de l’État, malgré mes intérêts communs et personnels les plus sensibles, je me crus permis de me réjouir enfin de ce qui étoit résolu malgré moi, et plus encore de ce qui en alloit être le fruit. Toutefois, je n’osois encore m’abandonner à des pensées si douces sans avoir une plus grande certitude de cette si désirée réduction des bâtards au rang de leurs pairies, et je demeurai près de deux heures dans ce resserrement de joie, à laquelle je ne pouvois me résoudre de laisser prendre un plein essor. Libre alors des grandes affaires dont l’arrangement étoit pris, j’étois tout occupé de procurer moi seul aux pairs de France un rétablissement auquel nous n’avions pu, arriver par nos efforts communs, et que je voyois sur le point d’éclater, à leur insu et en leur présence.

Tandis que tout cela me rouloit dans la tête, Millain arriva