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DE LA POÉSIE ET DES POÈTES

on regarde au delà du premier plan, et qu’on entre dans le détail des productions poétiques qui continuent de s’imprimer, on est frappé de la quantité de directions qui s’entre-croisent sans paraître se contrarier et sans se détruire.

Et d’abord, à travers ces guerres à mort et ces révolutions littéraires, qui semblaient ne vouloir rien laisser d’intact dans les traditions du passé, tous les anciens genres se poursuivent et trouvent encore des disciples et des continuateurs persistants. On ne joue plus de tragédies jetées dans le moule de celles d’il y a trente ans, mais on en fait et l’on en imprime encore. M. Liadières ne croit certainement pas que le moment soit passé de les couronner. On fait encore des épopées en vingt-quatre chants. J’en reçois une à l’instant, imprimée en 1830 à Toulouse aux frais de la ville, dont le sujet est l’Épopée toulousaine ou la Guerre des Albigeois, par M. Florentin Ducos, homme instruit, écrivain de mérite, et qui, avant de l’aborder, s’est rendu compte de toutes les objections contre le genre, et en a pesé les difficultés. La Fable fleurit, comme on sait, et elle a dû même une sorte de reverdissement à l’intervention de M. Viennet, qui a aiguisé les siennes par l’épigramme politique. Les Fables de Lachambaudie, publiées dans un magnifique volume (1831), nous avertissent que l’auteur est poète, homme de talent, doué de facilité naturelle, et sachant trouver des moralités heureuses quand il ne les assujettit point à des systèmes. M. Théophile Duchapt, magistrat, conseiller à la Cour d’appel de Bourges, a publié également un recueil de Fables (1850), irréprochables par le sens et par le but, et dont plus d’une s’anime d’un tour de grâce et de finesse. M. Étienne Catalan a donné six livres de Fables et Fabliaux (1830). Dans un recueil intitulé Croyances (1852), et qui se rattache plus particu-