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À LA PRINCESSE


X


Paris, ce 15 septembre 1862.
Princesse,

Vous êtes bonne comme je l’espérais en me faisant l’honneur de me donner de vos nouvelles et en me permettant ainsi de causer de loin, ce qui n’est pas tout à fait un dédommagement de ne pouvoir vous entendre de près. Je ne veux pas d’un vilain mot que j’ose rayer dans cette lettre tout aimable, c’est celui de démonstration de sympathie : cela mérite mieux et doit se nommer d’un tout autre nom. Mais laissons les noms, et je vois avec reconnaissance et bonheur que vous avez confiance aux choses. Ma vie est si assujettie, mon lendemain est si court, mon présent est si chargé que je n’ose arrêter ma pensée et la laisser errer à son gré sur ce qui en d’autres temps eût fait pour elle un long sujet de rêverie et de douceur habituelle. Mais je fais quelque chose de plus simple et de plus à ma portée, j’en jouis tant que je le peux en réalité,