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sur m. littré.

Dans ses articles sur les âges du monde antérieurs à l’homme, il a su rendre avec un sentiment bien présent cet accident et ce mystère de la vie qui vient, à certains jours, éclore tout à coup à la surface. « Je ne sais, disait autrefois la mère des Machabées à ses enfants, comment vous avez paru dans mon sein ; ce n’est pas moi qui vous ai donné l’âme, l’esprit et la vie que vous y avez reçus. » « Il faut, ajoute M. Littré, qui invoque ce passage, répéter les paroles de la femme de l’Écriture au sujet de l’apparition de l’homme sur la terre, des races animales, du plus humble des insectes, du moin- dre des végétaux, de la plus petite chose vivante. » Mais y avait alors, au moment de la vaste éclosion pre- mière, je ne sais quel grand printemps plus magnifique il — l’auteur. L’ode intitulée la Lumière est de 1824 ; qu’on veuille se reporter au moment. M. de Lamartine venait de faire les Etoiles ; M. Littré, de son point de vue de savant ému, interroge, à son tour, les rayons lumineux qui nous arrivent de si loin et qui ont vu tant de choses au passage ; voici les dernières strophes : Rayons que nous envoie une nuit étoilée, Venus de cieux en cieux jusqu’en notre vallée, Que nous apportez-vous ? Vous n’avez point de voix, seuls messagers des mondes, Et poursuivant en paix vos courses vagabondes, Vous passez devant nous. Que dis-je ! ce rayon, que tant de force anime, De l’espace toujours ne franchit pas l’abime, Ni n’atteint notre bord ; Le flot étincelant qui partout le propage, Baissant de plus en plus dans la mer sans rivage, S’affaiblit et s’endort. Par delà ce ruban dont la blanche lumière, A peine descendant jusque sur notre terre, Vient mourir à nos yeux, Sont encor des soleils, étoiles inconnues, Qui, voilés à jamais, de leurs clartés perdue N’atteignent pas nos cieux !