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et plus fécond ; le monde entier plus jeune menait un printemps plus sacré que ceux qu’on a vus depuis, toute une saison de fête et de triomphe, dont les nôtres ne sont plus que de moindres et pâles images. « Il semble que la puissance qui s’exerça alors jouissait d’une activité immense qui est réduite aujourd’hui à des effets obscurs et à d’insignifiantes ébauches. »

En s’appliquant à l’exposé de ces hautes questions primordiales, M. Littré y affermit son âme et y fortifie son entendement. Il est plein, chemin faisant, de citations littéraires admirables et qui sortent d’un fonds riche où toute doctrine s’est accumulée. Il n’est jamais plus satisfait que quand il peut revêtir sa propre pensée de l’expression de quelque ancien sage ; et, par exemple, il tire à lui et détourne ici à son objet, en l’accommodant quelque peu, ce beau mot du philosophe Charron traitant de Dieu même : « Le plus expédient est que l’âme s’élève par-dessus tout comme en un vide vague et infini, avec un silence profond et chaste et une admiration toute pleine de craintive humilité. » Tel est le sentiment, religieux à sa manière et des plus graves, des plus moraux assurément, que M. Littré apporte en ces considérations d’un ordre si étendu et si vaste. Béranger, qui avait lu ces articles de la Revue républicaine, en avait été vivement frappé et avait dû à l’auteur un agrandissement d’horizon[1].

  1. Voici encore l’éloquente conclusion d’un article de M. Littré, dans la Revue des deux Mondes du 1er avril 1838, à propos des Œuvres d’histoire naturelle de Gœthe :

    « En commençant, j’ai rappelé, dit-il, la magnificence du spectacle