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sur m. littré.

médical ancien, examen critique en tous sens, interprétation et traduction à notre usage, tellement que les traités hippocratiques, en définitive, « pussent être lus et compris désormais comme un livre contemporain. » Le traducteur-éditeur a suffi à cette tâche considérable, et le monument qu’il a mis vingt-cinq ans à préparer et à produire, répond pour lui (1839-1862).

Hippocrate ! si je me laissais aller à parler comme je sentais à l’âge où j’essayai pour la première fois de t’aborder, que ne dirais-je pas de toi ! Nom vénérable et presque sacré, plus mystérieux et plus voilé que ceux de Socrate et de Platon, à peine plus dessiné à nos yeux et plus distinct que celui d’Homère, on ne t’interrogeait qu’avec respect et religion ; on supposait derrière ta science toutes sortes de sciences perdues, on voyait dans ton expérience le résumé de toutes les expériences ; on sentait en toi, aux bons endroits lumineux, l’universalité d’une doctrine, le lien de l’observation comparée, partout le sentiment de la vie ; on voulait tout comprendre, on espérait t’arracher de derniers secrets ; on te demandait presque des oracles. M. Littré, le flambeau ou la lampe à la main, a rabattu beaucoup de ces vagues espérances et a simplifié l’étude par la critique. Du véritable Hippocrate, à le prendre dans sa vie, si l’on retranche tout ce que la légende et la fable y ont ajouté, combien on sait peu de chose ! Platon, seule autorité authentique sur son compte, nous apprend, par le passage d’un dialogue, qu’Hippocrate de Cos, contemporain de Socrate, était de la famille des Asclépiades, c’est-à-dire d’une race de médecins qui