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324 NOUVEAUX LUNDIS.

sens moral n’a fait qu’aiguiser l’observation et donner plus de vie à la vérité.

Théophile Gautier, dans sa critique des peintres, n’apporte donc aucun des préjugés de l’homme de lettres, pas plus qu’il ne partage, aucune des illusions de la foule. D’ailleurs, on n’est pas plus ouvert que lui a tous les genres, ni plus sensible à toutes les natures de talents. Il sïngénie à trouver pour chacun les formes de définition les plus agréables comme les plus vraies, en tirant la description le plus qu’il peut du côté de l’éloge. La où d’autres seraient rudes et blessants d’expression, même sans le vouloir, il a des délicatesses qui tiennent à une qualité morale ; il a des égards de confrère. Il se met à la place des autres. Ainsi sur le peintre belge M. Leys, à qui il était si aisé, pour sa manière archaïque, de dénier l’originalité en le déclarant un disciple pur et simple d’AlbertDurer, Théophile Gautier s’y prend avec plus de ménagement ; il a toute une théorie pour le cas particulier, et il entre dans les explications les plus appropriées comme les plus favorables : ‘

a S’il est permis, dit-il, de ressembler à quelqu’un, c’est sans doute à son père, et M. Leys est dans ce cas : chez lui il n’y a pas imitation, mais similitude de tempérament et de race ; c’est un peintre du XVl° siècle venu deux cents ans plus tard, voilà tout... M. Leys n’est pas un imitateur, mais un semblable. »

De même sur tous, dès qu’il y a jour. Théophile Gautier évite en jugeant tout ce qui est morgue et ce