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TnEoriuLu GAUTIER. s25

qui pourrait blesser. Il n’est pas de ceux (connue il y en a) qui vous marchent sur le pied sans s’en apercevoir ou en disant : Taitt pis ! Quand il fait une critique, il se "représente ce qu’il dirait à l’auteur en personne. « Pourquoi, remarque-t-il, écrire le matin sur un honnête homme ce que l’on ne dirait pas, lui présent, le soir à dîner ? De ce qu’on est lu par cinquante mille personnes, ce n’est pas une raison pour être impoli et blessant. » Il est vrai que cela gêne un peu. Mais, le dirai-je ? si le critique perd par là en fermeté et autorité, le talent de l’écrivain gagne à ces précautions tout humaines, et l’on en est récompensé en finesses heureuses. Jamais, — et ici mon observation s’étend à toute la critique de Théophile Gantier, — jamais un sentiment mauvais, soit de hauteur, soit de jalousie mesquine, n’est entré dans l’âme de ce critique sagace autant que bienveillant. Avec des antipathies profondes de genres, il a toujours adouci l’expression de son peu de goût à l’égard des œuvres et des personnes. Et quand il s’est agi d’apprécier, dans des genres voisins du sien, ceux qu’on pouvait lui opposer et qu’on lui préférait, jamais un mouvement de retour sur lui-même ne lui a fait atténuer la louange. Qu’on lise plutôt ce qu’il a écrit de charmant, d’aimable et d’expansif au sujet d’Un caprice d’Alfred de Musset, lorsqu’on représenta pour la première fois à Paris ce petit acte si délicat (novembre 18117).

Les jugements ou définitions pittoresques que Gautier a donnés de tant de peintres d’hier, hommes de Vl. ’ 19