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332 à NOUVEAUX LUNDIS.

elle-même fait une bonne partie de l’intérêt. Ainsi, dans Militona, il nous a montré de nouveau Pllspagne ; dans Arria’Jllarcella, il a figuré et ressuscité l’antique Pompéi ; ainsi dans la Zllomie, l’Égypte. Il n’a pas vu de ses yeux l’Égypte, ’mais il l’a si bien étudiée dans les monuments, dans les dessins, qu’il l’a imaginée comme elle était et comme elle devait être. Ce roman tout rétrospectif n’offre rien qui fasse froncer le sourcil aux vrais savants et aux initiés. M. de Rougé a paru content. En 18h8, la situation deîliéophile Gantier, cet artiste et ce feuilletoniste de luxe, avait nécessairement reçu un coup violent. Il ne s’en est jamais plaint. Il ne prit part a la révolution de Février que par des pertes. Il fut exempt de toute sottise affichée alors sur les murailles. On demandait à Sieyès ce qu’il avait fait pendant la l’erreur ; il répondit : u J’at’ vécu. n Si l’on demande à ’I’héophile Gautier ce qu’il a fait en 18118, il répond : à Je ne me suis porté nulle part. » C’était alors une singularité, même chez les gens de lettres. Lui, dans son feuilleton de théâtre, se déconcertant le moins possible, il parla d’art et dïdéal le lendemain comme la veille, après comme avant. Il choisit précisément ce temps d’orage, qui lui laissait plus d’un loisir forcé, pour graver par contraste ses Émauæ et Camèes (1852), une poésie toute d’art et de délicate transfiguration. Il compléta et rangea son écrin. De toutes ses manières, de toutes ses notes poétiques, les Émauæ et Cantèes sont la dernière, la plus marquée, et je ne serais pas étonné si l’on me disait que dest celle qui lui tient le plus à cœur et qui lui est la plus chère.