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- THÉOPHILE GAUTIER. 331

Giselle, qu’il fit pour Carlotta Grisi (1841), et qui a été le plus grand succès de ballet en notre temps, était tiré d’un livre de Henri Heine, l’un des trois ou quatre poètes qui dardèrent le plus en plein sur lui leur rayon. Heine lui plaît surtout par sa fantaisie dégagée de tout lieu commun. Le compte rendu de Giselle par Gautier est sous la forme d’une lettre adressée à Heine.

Je n’ai point parlé non plus de cette joute de la Croix de Berny, de ce roman de société où il fut un des quatre tenants avec Mme de Girardin, Méry et Jules Sandeau, chacun faisant son personnage et reprenant le roman à l’endroit juste où l’autre l’avait poussé. C’était une gageure, et chacun la tint à ravir. Théophile Gautier envoya sa dernière lettre du camp de Aïu-El-Arba, en Afrique, où il était alors (1845).

Je n’ai point parlé de cette quantité. de jolies nouvelles attirantes dans leur étrangeté : La Morte amoureuse, qui vient bien après Une Larme du Diable ; Une Nuit de Cléopâtre, Le Roi Candaule, qui me font l’effet d’être du pur Gérome en littérature ; — de Jean et Jeannette, récit léger d’un genre tout différent, une manière d’agréable pastel du xviiie siècle, une sorte de duel serré avec Marivaux et la reprise en roman des Jeux de l’Amour et du Hasard.

Théophile Gautier, comme romancier, a jugé bon plus d’une fois de profiter de son talent de voyageur et de rendre avec une entière vérité plastique différents pays et différentes époques de sa connaissance ou de son rêve. Il aime à donner à ses récits, pour fond et pour premier plan, un lieu, une contrée précise qui