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336 NOUVEAUX LUNDIS.

apens du brigand Agostin et cette attaque à main armée qui tourne en bonne humeur ; la rencontre du marquis de Bruyères, jeune gentilhomme aussi bien en point etaussi florissant que Sigognac est pauvre ; l’invitation et la réception des comédiens à ce brillant et confortable château de Bruyères, où ils donnent une représentation applaudie ; le congé et le départ bien rémunérés ; l’enlèvement volontaire de la soubrette à l’une des pattes d’oie du chemin ; puis la disette qui revient, la route qui s’allonge, la neige qui tombe, les rafales qui forcent le chariot de s’arrêter ; le pauvre Matamore, le plus maigrede la troupe, qui n’y peut tenir et qui succombe d’inanition et de froid ; la recherche qu’on fait de lui par ces steppes deineige, quand on s’est aperçu de sa disparition, son enterrement lugubre :- et cela s’appelle E/Ïet de neige. Lfauteur n’a pas craint de marquer par là que c’est le paysage qui domine, que c’est le pittoresque des choses qui l’emporte sur les actions des personnages. Et pourtant il n’y a pas de sa part d’insensibilité : l’humanité se retrouve dans ces pages, une humanité qui compatit aux bêtes comme aux gens, un sentiment vrai d’égalité humaine. Ce sentiment se prononce surtout lorsque Sigognac, honteux d’être à charge à ses tristes compagnons sans leur rendre aucun service, et les voyant en peine et tout désemparés depuis la perte du pauvre Matamore, s’offre ’ le remplacer lui-même, à mettre de côté sa véritable (Us ÊJ’

pée, et, sous le nom grotesque de Capitaine Fracasse, qui sera désormais le sien, à faire son rôle sur les tréteaux, en attendant fortune meilleure : un regard