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DE JOSEPH DELORME


LE DERNIER VŒU


Vous le savez, j’ai le malheur de ne pouvoir être jeune.        Sénancour, Oberman.


Vierge longtemps rêvée, amante, épouse, amie,
Charmant fantôme, à qui mon enfance endormie
Dut son premier réveil ;
Qui bien des fois mêlas, jeune et vive Inconnue,
À nos jeux innocents la caresse ingénue
De ton baiser vermeil ;

Qui depuis, moins folâtre et plus belle avec l’âge,
De loin me souriais dans l’onde de la plage,
Dans le nuage errant ;
Dont j’entendais la voix, de nuit, quand tout repose,
Et dont je respirais sur le sein de la rose
Le soupir odorant ;

Étoile fugitive et toujours poursuivie ;
Ange mystérieux, qui marchais dans ma vie,
Me montrant le chemin,
Et qui d’en haut penchant ton cou frais de rosée,
Un doigt vers l’avenir, à mon âme épuisée
Semblais dire : Demain !

Demain n’est pas venu ; je n’ose plus l’attendre.
Mais si pourtant encor, fantôme doux et tendre,
Demain pouvait venir ;