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LIVRE PREMIER.

à Dioclétien, et se plaint des courtisans qui obstruent le théâtre et gênent les acteurs : c’était une petite raillerie à brûle-pourpoint contre les jeunes marquis du temps, les chevaiiers de Grammont et leurs pareils, qui pris sur le fait et désignés du doigt, devaient être les premiers à en rire. Sur quoi Dioclétien, qui est en gaieté répond par une épigramme que ce sont moins les courtisans de l’empereur qui font le désordre que les courtisans de ces dames les comédiennes :

De vos dames la jeune et courtoise beauté
Vous attire toujours cette importunité.

L’acte de Rotrou se coupe à cette plaisanterie : tout reste en suspens, et plus l’intérêt du fond est sérieux, plus cela devient spirituel de bordure.

Jamais le mélange, l’opposition du tragique et du comique n’a paru plus en vue et mieux contrasté. Saint Genest en plein dix-septième siècle est la pièce la plus romantique qu’on puisse imaginer. Rotrou rencontrait tout naturellement le genre en France vers le même temps que Calderon, bien avant Pinto, bien avant Clara Gazul.

Le quatrième acte commence après que le désordre est censé apaisé. La pièce intercalée continue. La scène entre Flavie et Adrien fait souvenir de celle du débat entre Polyeucte prêt à marcher aux autels, et Néarque qui lui objecte les dangers et les tourments. Flavie païen déroule à son ami les mêmes représentations plus fortes et tout à fait poignantes,

Souvent en ces ardeurs la mort qu’on se propose
Ne semble qu’un ébat, qu’un souffle, qu’une rose ;
Mais quand ce spectre affreux, sous un front inhumain,
Les tenailles, les feux, les haches à la main,
Commence à nous paraître et faire ses approches
Pour ne s’effrayer pas il faut être des roches…