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PORT-ROYAL

buisson(1623); mais il ne devient directeur du monastère que bien plus tard, environ douze ans après seulement. Nous n’aurons qu’à courir très à la légère sur cet intervalle, qui n’est proprement rempli que de détails et tracasseries d’intérieur, bien vite abrégés. Jusqu’ici toute cette première période de Port-Royal réformé, dont les confesseurs et directeurs furent le Père Pacifique, le Père Eustache, le Père Archange, peut en résumé se représenter pour nous et se dire la période de saint François de Sales, du nom du saint aimable qui la couronne, et dont la dévotion y était assez fidèlement reproduite, bien que dans une teinte plus sombre. Quand va venir la seconde période qu’on doit appeler celle de M. de Saint-Cyran, et dans laquelle seulement Port-Royal apparaît au complet avec la doctrine qui lui est propre, l’autre première époque semblera fort reculée et ne sera plus qu’un souvenir d’aube blanchissante, derrière l’horizon. Saint François de Sales et M. de Saint-Cyran figurent, au sein d’une même communion, deux familles différentes d’esprits, et un christianisme qui, le même peut-être au fond, a des expressions qu’on dirait parfois contraires : le côté austère et dur, opposé à l’effusion affectueuse et toute courante. Le sentiment du mal en ce monde et dans le cœur de l’homme préoccupera, avant tout, M. de Saint-Cyran, qui est une tête plus théologique à proprement parler, j’ose le croire, et plus systématique que saint François, chez qui les sources du cœur et de l’imagination abondent. Cet aspect sévère et de tremblement, introduit ou confirmé par M. de Saint-Cyran à Port-Royal, y dominera assez en définitive pour qu’en avançant dans le siècle les chrétiens plus affectueux, plus indulgents, tendrement mystiques, ou simplement modérés, se détournent de ce coin religieux avec quelque répugnance, pour qu’après saint Vincent de Paul, Fénelon soit contre (lui, le fils