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PORT-ROYAL.

blique, et l’inconvénient de les garder au sein d’une principauté ; il indiqua les moyens réguliers, non violents, mais dirigés de la part de l’autorité vers l’intérêt personnel, qui ne résiste jamais longtemps dans le gros du peuple quand les chefs et meneurs sont à bas ; ainsi :
« Priver les hérétiques de toutes les fonctions publiques et y favoriser les Catholiques. User de quelque libéralité à l’endroit de sept ou huit personnes vieilles et de bonne réputation qui ont vécu fort catholiques et fort longuement parmi les hérétiques avec une constance admirable et en grande pauvreté[1]. » Dans une lettre au duc, une phrase du saint résume tout le système qu’il lui conseillait : « Le zèle que j’ay au service de Votre Altesse me faict oser dire qu’il importe, et de beaucoup, que laissant icy la liberté qu’ils appellent de conscience, selon le traitté de Nyon, elle préfère néanmoins en tout les Catholiques et leur exercice[2]. » Le duc tenait à ne point paraître violer le traité de Nyon conclu avec les Bernois en 1589 ; se réservant de longs démêlés avec Henri IV pour le marquisat de Saluces, il avait intérêt en ce moment à ne point exaspérer les Suisses. François de Sales entrait dans son biais, en demandant tout ce qui éludait ce traité sans avoir l’air de le rompre. Toute Charte, tout traité a son article 14 : le saint lui-même le savait.

On ne s’en tint pas longtemps à ces mesures ; le succès fit passer outre. La paix de Vervins était conclue (1598) ; le légat négociateur revenait de France ; le duc passa les monts pour le recevoir ; il l’attendit à Thonon, capitale du Chablais, et l’hérésie fit les frais du bon accueil. En ces jours de cérémonie solennelle, la con-

  1. Lettres inédites publiées par M. Datta, tome I, p. 128 et suiv., et Marsollier, Vie de saint François, liv. III.
  2. Lettres inédites, etc., t. I, p. 170.