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LIVRE PREMIER.

étant d’ailleurs élève de Joseph Scaliger, son érudition se trouvait flattée, du même coup, très agréablement.

Vers la fin d’août 1620, M. d’Andilly, attaché alors à M. de Schomberg, surintendant des finances, et passant avec la Cour à Poitiers, y vit pour la première fois l’abbé de Saint-Cyran, dont M. Le Bouthillier, depuis, évêque d’Aire (oncle de M. de Rancé), lui avait beaucoup parlé auparavant. Ce prélat, qui se trouvait à Poitiers dans ce temps même, les présenta l’un à l’autre, et l'étroite amitié, qui devait avoir tant de conséquences, commença entre eux dès ce moment. M. de Saint-Cyran avait trente-neuf ans environ, et M. d’Andilly trente et un. Celui-ci, déjà fort poussé dans les charges de finance et d’intendance, était l’un des hommes les plus actifs, les plus agréables du grand monde et les plus occupés de l’être ; « n’y ayant pas un de ces Grands (confesse-t-il dans ses Mémoires avec une certaine satisfaction) que je ne connusse si particulièrement que je crois pouvoir dire qu’il n'y a personne en France de ma condition qui ait eu tant d’habitude et de familiarité avec eux.» Il avait pour principe (ce qu’il enseigne et recommande fort à ses enfants) de se faire des amis de toutes sortes de conditions, depuis le moindre fourrier de la maison du Roi jusqu’au Connétable. Il y avait réussi. C’était l’homme qui se multipliait le plus en obligeances, en bons offices, et qui en recueillait le plus en retour. Sitôt qu’il eut vu M. de Saint-Cyran, il devint un de ses zélés promoteurs dans le monde, toujours au superlatif, le citant à tous comme une lumière encore sous l’autel : il recrutait pour lui des âmes. Dès la fin de cette année, il le mit en un premier rapport de lettres avec sa sœur, la mère Angélique, alors à Maubuisson[1]; mais c’est sur-

  1. Dans une lettre de la mère Angélique à M. d’Andilly, du