Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t1, 1878.djvu/315

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
301
LIVRE PREMIER.

fut marri de la mort de saint Jean-Baptiste, aux discours duquel il prenait plaisir ; mais, une autre volonté plus forte que la sienne ayant parlé, il le livra au supplice : Sed alia dominante voluntate, necandum dedit.» Tout cela était sanglant. Les horreurs de la prise et du sac de Tirlemont par les armées combinées française et hollandaise, de Tirlemont qui n’était qu’à trois lieues de Louvain, — les avanies et indignités commises contre les religieuses, les églises et le Saint-Sacrement, — étaient vivement étalées, et par un proche témoin tout plein de son objet. Le livre porta coup ; il s’en fit plusieurs éditions ; on le traduisit en français. Richelieu en fut atteint et piqué au vif[1]. Il en garda une bonne note, qui se retrouvera en temps et lieu, contre les amis de Jansénius en France. L’Espagne paya le service par l’évêché d’Ypres. Jansénius nous apparaît déjà plus au complet, ce semble : un de ces hommes, comme il l’a dit de lui-même, qui ne sont pas faits pour être pédants d’école toute leur vie[2]. Il

  1. Il y fait allusion dans ses Mémoires, à l’année 1635 : «Lorsque le Cardinal-Infant se trouva, par la retraite de nos armées hors ses pays, et par la prise du fort de Schenck, contre son espérance, délivré de la crainte de nos armées, il fit imprimer des manifestes contre le Roi, et plusieurs libelles, dans lesquels il essayait, par plusieurs apparences frivoles, de condamner les armes du Roi et justifier l’injustice des siennes… Il faisait aussi (dans ces libelles) force exclamations des excès commis en la prise de Tirlemont, desquels néanmoins le Roi ne peut être taxé, l’autorité d’un prince n’étant pas assez grande pour empêcher les violences de la guerre, et Sa Majesté, aux désordres qui y arrivèrent, ayant reçu plus de dommage que lui, en ce qu’en ce malheur non prévu il fût brûlé une si grande quantité de blés, qu’elle fut une des principales causes de la ruine de notre armée, qui, faute de pain, fut contrainte de lever le siège de Louvain et de se retirer.» L’analyse que Richelieu donne de ce qu’il appelle les libelles se rapporte bien au Mars Gallicus.
  2. Gui Patin, dans une lettre à Spon (6 janvier 1654), ne veut absolument pas que Jansénius ait été capable de ce Mars Gallicus si féroce et si bien armé, qui fit ravage parmi nous : « Quiconque a fait le Mars Gallicus est un catholique romain fort zélé, Gallus et