Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t1, 1878.djvu/330

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
316
PORT-ROYAL.

et ne plus comprendre ; il était obligé, après s’être échappé ainsi, de se vite recouvrir comme il pouvait, et de faire retraite dans son nuage[1]. De plus, comme obstacle immense, un ministre puissant tenait l’État dans sa main, et avait l’œil sur l’Église avec la jalousie d’un despote et la prétention d’un théologien. Parmi les plus éminents du Clergé, il en était quelques-uns, comme le cardinal de La Rochefoucauld, Grand-Aumônier de France, qui accordaient tout crédit aux Jésuites et ne laissaient aucune prise à la nouveauté. Saint-Cyran se vit donc forcé de faire un détour, de se jeter sur un terrain déjà battu pour s’y préparer des alliés, en quelque sorte extérieurs. En se portant le champion de la discipline ecclésiastique et de l’Épiscopat contre les moines, contre les Jésuites surtout, il rentrait dans la question gallicane ; il suivait la trace des Pithou, des De Thon, et marchait de concert avec Edmond Richer, Simon Vigor, Jérôme Bignon, les Du Puy ; il s’avançait sous leur couvert, en attendant qu’il démasquât ce qui lui était propre.

Telle m’apparaît, très probable, la tactique d’où sortit ce gros in-folio latin ; il n’est que le recueil de ce qui se publia d’abord en quatre ou cinq fois : ce furent des espèces de brochures détachées, qui eurent un prodigieux succès de circonstance : pseudonymes et successives comme les Provinciales, contre les Jésuites de même, et faisant fureur comme elles aussi, mais en Sorbonne seulement. Gardons-nous bien de chercher plus loin les ressemblances[2]. Ce nom d’Aurelius n’était

  1. Cette intermittence d’effusions et de réticences tenait chez lui de la méthode autant que du tempérament. «M. Le Féron (docteur en théologie) m’a dit que le feu abbé de Saint-Cyran ne parloit que par bonds et volées ; que souvent il se retenoit de lui dire ce qu’il avoit déjà sur les lèvres…» (Journaux de M. Des Lions ; 16 janvier 1654.)
  2. Il n’y eut de publié en français, dans tout ce débat, qu’un petite lettre d’Aurélius au sujet du Père Sirmond. Ce véné-