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LIVRE PREMIER.

M. Singlin à Port-Royal comme second de M. de Saint-Cyran et à titre de confesseur, le saint abbé restant plus particulièrement directeur. Juste vers le même temps, Lancelot, M. de Saci, M. Le Maître, chacun de son côté, et par un concours invisible, sont tentés de se donner à cet unique M. de Saint-Cyran devenu le point de mire des âmes. De plus ( voyez !), comme toutes les causes de persécution et d’animosité contre lui se grossissent et s’assemblent ! Il rompt d’une part avec M. de Langres au Saint-Sacrement, et de l’autre lui fait fermer la grille de Port-Royal. Il éloigne de Port-Royal également, par son regard sévère, les moines de Citeaux qui cherchaient à y remettre pied, l’abbé de Prières et autres. L’abbé de Prières déposera tout à l’heure contre lui, et M. Zamet compose un mémoire qui, remis au cardinal de Richelieu, contribuera fort à l’emprisonnement. En 1637, la conversion éclatante du grand avocat M. Le Maître et sa fuite du barreau vont indisposer M. le Chancelier, déjà éveillé par cette affaire du Saint-Sacrement. En 1635, quand il s’était agi de casser le mariage de Monsieur et que le Cardinal ne désirait rien tant, l’Assemblée du Clergé avait obéi à ce vœu et rendu le décret de nullité ; mais l’opinion présumée de M. de Saint-Cyran avait paru contraire[1]. En fallait-il davan-

  1. Il n’est pas exact que M. de Saint-Cyran ait positivement refusé d’approuver ce divorce ; on ne l’avait pas formellement consulté à ce sujet. Lancelot dit simplement (Mémoires, tome I, p. 75) que le Cardinal s’était persuadé cela, bien que M. de Saint-Cyran eût toujours évité de se déclarer là-dessus. La plupart des historiens jansénistes, qui se copient sans critique, et en renchérissant sur les louanges de leurs amis, ont transformé cette opposition soupçonnée en protestation solennelle et régulière ; Racine lui-même n’a pas fait difficulté de dire : « L’Assemblée générale du Clergé et presque tous les théologiens, jusqu’au Père de Condren, général de l’Oratoire, et jusqu’au Père Vincent, supérieur des Missionnaires, furent d’avis de la nullité du mariage, mais quand on en vint à l’abbé de Saint-Cyran, il ne cacha point que