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PORT-ROYAL.

Je reviens aux environs de sa conversion, à toutes celles que le même moment mûrit, et qu’on vit comme


    Mémoires de Lancelot, de Fontaine et de Du Fossé ; dans le Supplément au Nécrologe de Port-Royal (in-4°, 1735), il faut lire la première des pièces (page 1) qui est une Déclaration de ses pensées, et dans l’essentiel Recueil de plusieurs pièces pour servir à l’Histoire de Port-Royal (in-12, Utrecht, 1740), p. 198 et suiv., le petit Écrit qui fait voir quel est l’esprit de M. Le Maître. Il y a peu à tirer de ses nombreux ouvrages polémiques, apologétiques ou édifiants, et rien n’y ajoute à l’idée qu’on a d’ailleurs de sa personne. Ce qu’on lui doit de mieux (comme livre), c’est d’avoir pensé, de concert avec la marquise d’Aumont, à recueillir les documents sur la vie de la mère Angélique ; les conversations d’elle qu’il a notées et transmises sont ce qu’il a écrit de plus vif. Les Mémoires de Fontaine sont pleins aussi de petites relations dressées par M. Le Maître et qui ont passé dans le texte. J’ai peine à croire que la belle conversation entre Pascal et M. de Saci sur Épictète et Montaigne ne soit pas de la rédaction de M. Le Maître lui-même, qui, par tous ces saints emplois, donnait le change, comme il pouvait, à son activité littéraire. — Ceux qui viennent de lire ce chapitre et qui liront tout ce que j’ajoute encore en maint endroit de cet ouvrage sur M. Le Maître, auront peine à comprendre que j’aie été accusé par un avocat-général, M. Oscar de Vallée, dans un livre publié en 1856, sous ce titre pompeux : De l’Éloquence judiciaire au dix-septième siècle : — Antoine Le Maître et ses contemporains, d’avoir été un détracteur de M. Le Maître, et de l’avoir dénigré. Oubliant toutes les règles de la convenance et de l’équité, M. Oscar de Vallée n’indique même pas mon travail de Port-Royal qu’il prétend réfuter, et dans lequel il puise ; il semble, à le lire, que je n’aie parlé de M. Le Maître que dans quelque Causerie du Lundi : «Il le traite, dit-il de moi, avec la sévérité d’un juge qui se croit souverain et qui est mal instruit.» Si M. Oscar de Vallée s’était borné à plaider pour M. Le Maître avocat, à montrer la solidité ou l’art de quelques-uns de ses plaidoyers, et à prouver que, sur ce point, l’ennui qu’ils m’ont causé m’avait rendu trop sévère, je serais prêt à me rendre et à faire céder mon impression devant son expérience : mais il m’a tout l’air d’un homme qui a un parti pris d’admirer, et qui a choisi M. Le Maître comme un thème à déclamation. Évidemment le succès de Madame de Longueville, de M. Cousin, a monté la tête du jeune magistrat, et il a voulu y faire un pendant à sa manière ; mais il est allé trop vite. Parlant de choses qu’il n’a pas assez étudiées et d’un temps qu’il connaît à peine, il croit avoir expliqué la conversion de M. Le Maître, quand il a dit : «C’était le temps où