Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t1, 1878.djvu/411

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
397
LIVRE DEUXIÈME.

à la fois éclater. M. Singlin, Lancelot, M. de Séricourt sont déjà réunis ; ils nous offrent, avec M. Le Maître,

    vivait saint François de Sales, celui où allait vivre Fénelon. À côté de la politique et des vices, ou, pour parler plus justement, au-dessus de tout cela, il s’était formé comme un firmament de morale épurée, de vertus, d’abnégations, d’ardente piété, et au sommet de ce firmament, on voyait briller saint Vincent de Paul, le précepteur du cardinal de Retz, cet élève si longtemps révolté, mais qui lui-même finit par se rendre à Dieu. — Ce fut cette religion qui, aidée par l’abbé de Saint-Cyran, parvint sans beaucoup de peine à arracher Le Maitre à la gloire, et à soumettre entièrement son cœur.» Un écolier en Port-Royal n’écrirait pas de ces choses, et j’ajouterai, pas un homme qui réfléchit un peu et qui ne se paye pas de mots ne les écrirait : ce ne sont que des paroles vides. — La note précédente pourra paraître moins nécessaire, depuis qu’un nouvel ouvrage sur Le Maître a été publié par un autre magistrat, collègue du précédent {Guillaume du Vair, et Antoine Le Maitre, par M. Sapey, 1858). M. Sapey, dans cette étude, a rétabli les points de vue avec justesse et avec équité. En choisissant ce beau et grave sujet pour l’approfondir et l’éclairer à son tour, il n’a pas cru devoir supprimer ni dénigrer ses prédécesseurs.» Il aurait pu y mettre moins de bienveillance à mon égard, que je lui serais encore reconnaissant de son impartialité. Il était convenable peut-être qu’un avocat-général réparât, en telle matière, le procédé par trop rigoureux et par trop expéditif d’un autre avocat-général, et je me plais à dire à M. Sapey, en lui rendant grâces :

    Sœpe, premente Deo, fert Deus alter opem.

    — M. Rapetti, à son tour (car ç’a été tout un tournoi), dans un écrit intitulé : Antoine Le Maître et son nouvel historien, qu’il a publié en 1857, à l’occasion du livre de M. de Vallée, a dit des choses qui m’ont frappé par leur justesse. Il fait remarquer en un endroit, à l’avantage des Plaidoyers de M. Le Maître, tout ce qu’il faut de talent, chez un avocat, « pour établir quelque clarté, quelque raison, quelque élégance, dans un conflit de vérités relatives, bornées, presque toutes contestables ;» et ces qualités essentielles, fondamentales, si rares de tout temps au barreau, eu égard à la nature des questions et des matières, les littérateurs habitués à un ordre d’idées plus délicates sont portés à en tenir trop peu de compte, à les trop considérer comme vulgaires et communes, à en savoir trop peu de gré aux avocats distingués qui les possèdent. Dans ces termes, je n’ai rien à opposer, je l’avoue, à ceux qui revendiquent pour les Plaidoyers écrits de M. Le Maître plus d’estime que je n’ai paru leur en accorder.