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PORT-ROYAL.

utile à beaucoup de gens que l’Évangile.» Voilà un point de départ très sûr, d’où nous aurons à apprécier tout ce que fit Port-Royal par ses directions, par ses traductions, pour divulguer et communiquer à tous l’Écriture.

Durant dix années, la pensée de trouver un homme qui eût en lui quelque chose des anciens Pères, et cet homme une fois découvert, d’aller se jeter à ses pieds, ne sortit pas de l’esprit du jeune Lancelot ; si bien que, se considérant dans une attente perpétuelle et permanente, tout ce que firent messieurs de Saint-Nicolas pour se l’attacher définitivement et pour l’engager dans les Ordres, ne put le résoudre. Et nous verrons jusqu’au bout en lui un modèle et comme un type de cette humilité, de cette constance patiente, qui fait qu’on demeure toute sa vie au seuil ou dans le vestibule, sans aller jamais jusqu’au sanctuaire. Lancelot ne dépassa jamais l’ordre de sous-diacre : sous-diacre et humaniste, c’est-à-dire un maître, un directeur à sa manière, mais un directeur des enfants et des catéchumènes, un homme qui se tient au bas des degrés redoutables ou brillants, et qui introduit les autres, voilà sa vocation et sa ligne tracée, régulière, humble et ferme, sans que rien l’en ait jamais fait sortir.

Durant dix ans donc, il priait et attendait : «Comme je cherchois toujours le moyen, dit-il, de me donner plus particulièrement à Dieu, j’eus envie de me faire religieux, et ne sachant où aller, je jetai les yeux sur les Jésuites. Je ne les connoissois pas, mais j’avois lu quelques Vies de leurs premiers Pères qui m’avoient touché.» Ce dessein qu’il nourrit pendant plusieurs années, et pour lequel il postulait déjà, échoua cependant, et par un coup de Dieu, ajoute-t-il ; il ne s’explique pas davantage. C’est peu après cette contrariété, qu’un ecclésiastique de mérite, nommé