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PORT-ROYAL.

simple laïc pénitent, simple monsieur; celui-là, déjà clerc, un pied à la moindre marche de l’autel, puis en restant là et tourné vers les Écoles ; mais c’est dans le choix de ceux qu’il jugea propres à être véritablement prêtres, confesseurs et directeurs, que la sagesse, la sagacité de ce grand distributeur et nomenclateur des âmes éclate principalement. En ce sens et à cette haute fin, dès l’abord, il prit et désigna M. Singlin, et bientôt n’hésita point d’en faire son premier lieutenant dans la conduite des religieuses et des solitaires.

M. Singlin mérite d’être étudié comme le type de tous les directeurs et confesseurs à la suite et dans l’esprit de Saint-Cyran : il en a tout, excepté l’invention du maître ; c’est le pur vicaire ; la méthode ne sera que plus évidente en lui.

La juste régularité de ces figures et de ces saintes vies permet d’établir entre elles des analogies et des proportions presque rigoureuses : M. Singlin est à M. de Saint-Cyran ce que la mère Marie des Anges est à la mère Angélique.

Antoine Singlin[1], né à Paris vers 1607, fils d’un marchand de vin, avait été mis d’abord en apprentissage chez un marchand de drap, et demeura en cet état jusqu’à l’âge de vingt-deux ans, lorsqu’un mouvement intérieur, dont on ne dit pas l’occasion, le détermina à aller trouver M. Vincent (de Paul), supérieur des Pères de la Mission, qui le reçut tendrement et lui dit de se

  1. On l’a quelquefois appelé M. de Singlin, mais par politesse. Dans l'Histoire générale du Jansénisme de Dom Gerberon (3 vol, in-l2, 1700), je trouve son nom ainsi défiguré : M. de Saint-Guelin; ce qui est une petite preuve très précise de ce que j’ai dit précédemment, que l'histoire du Jansénisme n’est pas celle de Port-Royal : il fallait être bien loin de Port-Royal, en effet pour travestir de cette étrange façon le nom d’un aussi important directeur.