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LIVRE DEUXIÈME.

M. Singlin, et il fut rétabli dans l’exercice de la prédication, avec une bénédiction croissante, est-il dit, et avec un particulier honneur : pour que son rétablissement fût plus authentique, l’archevêque voulut assister au premier sermon de reprise, du 1" janvier 1650. En 1656, le cardinal de Retz, alors à Rome, le nommait son grand-vicaire dans le ressort de Port-Royal.

Ainsi, unissant le confessionnal, la chaire et les pleins pouvoirs, M. Singlin, écrit un de nos historiens, « étoit chargé de tout, faisoit face à tout, étoit le conseil de tous[1]. Sans avoir une certaine supériorité de génie et de savoir, il y suppléoit, dans les cas les plus difficiles, par une supériorité de lumière surnaturelle que les grands hommes de Port-Royal, ses contemporains, respectoient en lui. M. de Saci se laissoit conduire à sa voix, comme auroit fait une jeune religieuse. M. de Barcos ratifioit toujours ce qui avoit été décidé par lui. M. de Rebours, son confrère dans la fonction de confesseur des religieuses, homme d’esprit, lui donnoit autant de pénitents qu’il pouvoit à diriger. M. Arnauld l’écoutoit dans ses prédications avec une simplicité

  1. Au temps de sa plus grande vogue il ne pouvait vaquer aux instructions particulières du Cloître aussi longuement qu’il l’aurait voulu, mais on n’y était que plus attentif à ce qu’on obtenait de lui : « Il faut avoir dévotion aux paroles abrégées de M. Singlin, écrivait la mère Agnès (le 1er décembre 1651), car je crois que nous n’en aurons plus guère d’autres, étant confisquées à toute la terre (c’est-à-dire, si je comprends bien, ses paroles faisant désormais partie du trésor public de toute la terre). » — Il y avait des moments où sa santé donnait des inquiétudes : « M. Singlin est, de vrai, très-atténué et épuisé, mais comme il a une bonne nature, un peu de repos le remet. Nous en avons parlé à tous nos Messieurs avec bien de la doléance ; ils promettent bien de l’épargner à l’avenir. Nous faisons une neuvaine pour lui, où nous disons seulement l’antienne : Salvator mundi, salva nos omnes, et deux oraisons. » (Lettre de la mère Agnès, du 6 juin 1653.)