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PORT-ROYAL.

ou religieux ; que ce n’étoit pas la voie que Dieu avoit marquée aux pénitents d’aller droit aux Ordres sacrés, où on n’admettoit autrefois que ceux qui avoient gardé la grâce du baptême et qui étoient reconnus pour innocents dans toute la conduite de leur vie. Le monde en murmuroit, mais ceux qui avoient quelque connoissance de l’esprit de l’Église et de l’amour pour ses divines règles, sentoient une consolation extraordinaire de voir que la bonté de Dieu avoit bien voulu retracer une voie que l’ignorance et la corruption du siècle avoient presque effacée, mais une voie qui étoit autrefois unique et qui au moins est la plus sûre…

« On vit aborder chez vous des flots de pénitents, qui venoient de cette mer orageuse du siècle à ce port de salut, sans se vouloir jamais rembarquer dans le monde. Il (M. Le Maître) se contenta de les fortifier par son exemple, et il me dit qu’on apprenoit à Port-Royal à se taire et non pas à parler. Il ajouta que rien ne vidoit tant le cœur que la langue ; mais sa plume ne fut pas inutile aux desseins que Dieu inspiroit, etc.[1] »

Ce point de vue est le vrai, et l’on y prend l’idée juste de l’homme, réfléchie et transmise directement par un témoin qui s’inspire du même esprit.



MÉMOIRE DU PÈRE DE MONTÉZON

SUR

LES JANSÉNISTES ET LES JÉSUITES.

(Se rapporte à la page 506.)

La lecture de quelques passages[2] de l’ouvrage de M. Sainte-Beuve, intitulé Port-Royal, m’a suggéré les réflexions suivantes.

Pour apprécier à leur juste valeur les accusations réciproques de deux parties adverses, ne faudrait-il pas les écouter également l’une et l’autre, et n’ajouter foi à leurs allégations qu’autant et à proportion qu’elles sont appuyées de preuves convaincantes, ou pour le moins probables ? Ne serait-il pas aussi conforme aux lois de l’équité et de la prudence de se placer sur le même terrain et au même point de vue que les parties dont on s’est constitué le juge ?

Les Jansénistes et les Jésuites s’accusent mutuellement. Il con-

  1. Vies intéress, et édifi. des Religieuses de Port-Royal, tome I, p. 141.
  2. Entre autres, les notes des pages 482 et 502 du tome Ier