Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t1, 1878.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
43
LIVRE PREMIER

de sa mère. J’ai insisté sur la scène de fanatisme et de destruction, parce que Port-Royal, à sa manière, périra un jour presque ainsi, et que, juste cinq cents ans plus tard, nous aurons affaire aux mêmes passions forcenées et triomphantes. Cette clémence chrétienne de la fondatrice semble de loin crier grâce pour les saintes filles persécutées.

Simon de Montfort, moins clément, fut aussi, il faut le dire, un des premiers et des plus généreux bienfaiteurs du naissant monastère.

Il y avait déjà dans le vallon, à l’époque de la fondation de Port-Royal, une chapelle consacrée à saint Laurent. Cette chapelle fut détruite lorsqu’on bâtit l’église nouvelle, ou bien elle y fut adaptée et en devint une partie. Ce qui est certain, c’est que l’église à laquelle travailla d’abord l’architecte Robert de Luzarches, achevée seulement en 1229, et consacrée à Notre-Dame, la grande patronne de ces âges, avait gardé dans le côté gauche de la croisée un autel dédié à saint Laurent, en mémoire de la dévotion première. Cette église, qui subsista jusqu’à la ruine de 1712, n’offrait rien de remarquable pour l’architecture. Elle reçut, des réparations accessoires en divers temps, plus particulièrement au seizième siècle, où une abbesse, Jeanne de La Fin, en fit reconstruire le clocher ; cette abbesse y ajouta aussi un ornement considérable, consistant en des chaises de chœur d’une grande beauté de sculpture ; on les voyait encore, avant la Révolution, au couvent des Bernardins de Paris. Par l’effet ordinaire du temps, le pavé de l’église se trouvait, au dix-septième siècle, inférieur au niveau du terrain d’alentour, au point qu’il fallait descendre neuf ou dix marches en entrant ; le grand vaisseau allait ainsi se submergeant insensiblement. Pour obvier aux inconvénients de l’humidité, on dut relever le pavé de huit pieds en 1652. Ces neuf ou