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LIVRE PREMIER

hors de la cloison, et la pénitente en l’oratoire (de l’autre côté), et que la fenêtre soit garnie d’un treillis bien épais, devant lequel il y aura quelque toile cirée. De semblables Cartes de visite sont les pièces justificatives les plus naturelles de tel dialogue d’Érasme, de telle page de Rabelais, ou de l’Apologie pour Hérodote. Il s’y trouve beaucoup d’autres précautions indiquées au sujet des portes qui donnent sur les champs et prés ; d’autres prescriptions (plus spirituelles) contre le vice de propriété, opposé à l’esprit de communauté, et qui s’était naturellement développé chez ces religieuses, chacune ayant à part ses petits meubles, son pécule, sa petite argenterie. Mais, comme prescription non moins importante, adressée spécialement à l’abbesse, il lui est commandé de faire étrécir les manches de toutes les robes de ses religieuses, et aussi les siennes mêmes, depuis le coude jusqu’en bas, tellement qu’elles ne soient point plus larges en bas qu’en haut (ce qui était une mode élégante à cette date de 1504), et que désormais lesdites manches n’aient plus de trois doigts de repli. Le bon janséniste (Guilbert) qui nous a transmis ces Cartes de visite, et qui les commente à fond, craint fort que la coulle, qui fut reprise peu après par l’abbesse et substituée au manteau, ne l’ait été que parce qu’étant large elle-même, on sauvait par là ces larges manches que l’abbé de Citeaux prohibait, et auxquelles les religieuses du seizième siècle tenaient tant.

On reconnaît précisément, aux défenses de l’abbé de Cîteaux, ces mêmes manches larges et bragardes, ces manches larges comme la bouche d'une bombarde, contre lesquelles tonnait alors en chaire le burlesque prédicateur Menot : la mode furieuse de 1504 nous est de tout point prouvée et constatée.[1]

  1. Un prédicateur moins burlesque du même temps, Guillaume