Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t1, 1878.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
56
PORT-ROYAL.

Auvergne. Au siège d’Issoire, s’étant jeté dans la place pour la défendre contre le comte de Randan (de la maison de La Rochefoucauld), il tint bon jusqu’à ce que les serviteurs du roi, assemblés pour faire lever le siège, vinssent offrir bataille sous les murs ; ils parurent le matin du jour même où le panache blanc remportait sur Mayenne la victoire d’Ivry (14 mars 1590). M. de La Mothe, sortant de la place avec sa compagnie, et rejoignant le gros des fidèles, leur dit que, puisqu’il avait aidé à soutenir le siège, il demandait son droit d’avant-garde, son droit de faire la première charge, ou, en d’autres termes, qu’on voulût bien lui donner la pointe. On la lui accorda, nous dit d’Andilly qui excelle et nage en paroles à faire ainsi les honneurs de sa famille ; il passa les ennemis, vint à M. de Randan, lui dit qu’il fallait ce jour-là payer La Mothe (c’était sa maison qu’on lui avait pillée et brûlée, malgré des promesses du contraire), et là-dessus lui donnant deux coups d’épée, il le fit prisonnier ; mais au même moment, sans que M. de La Mothe le vît, un cavalier tirait sur M. de Randan et le blessait d’une double balle, dont le prisonnier mourut dans Issoire une heure après[1] — Tous les frères de M. de La Mothe n’étaient pas de cette vigueur chevaleresque. On en sait même un (le septième), le seul qui n’avait pas l’esprit fort élevé, nous avoue en passant d’Andilly, et duquel les Mémoires du temps[2] nous ra-

  1. D’Andilly, dans ses Mémoires renvoie sur ce sujet à de Thou. Or, je dois dire que de Thou et Palma Cayet présentent l’ensemble des faits un peu différemment. M. de La Mothe, dont la belle action subsiste, digne contemporaine d’Ivry, ne paraît pas d’ailleurs chez eux en première ligne ; il n’est plus que l’un des trois ou quatre capitaines à la suite de M. de Florat, sénéchal d’Auvergne, qui commande dans Issoire assiégé, et qui dirige la sortie ; ce que d’Andilly a quelque soin de ne pas dire.
  2. Tallemant des Réaux, t. II, p. 308, à l’article de la famille Arnauld.