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LIVRE PREMIER

maréchal de France, sans sa mort prématurée ; Arnauld de Philisbourg le fût devenu, sans cette malheureuse surprise. M. de Feuquières, cousin-germain par alliance de d’Andilly et des autres, gagnait ce glorieux bâton à son tour, sans sa défaite à Thionville. Il ne tint qu’à peu de chose aussi que lui-même d’Andilly, à son compte du moins, ne fût devenu secrétaire d’État et ministre. Ce que la famille Arnauld est aujourd’hui devant la postérité, grâce peut-être à cette moindre réussite du côté du monde, vaut mieux pour elle, même au seul point de vue de la gloire, que ce qu’elle aurait jamais été autrement; et cette élévation historique, à laquelle plusieurs de ses membres visèrent par d’autres voies, se trouve enfin consommée.

En résultat, c’était, au commencement du dix-septième siècle, ce qu’on appelait une bonne famille que celle des Arnauld, une solide et ancienne maison, peut-être noble, à coup sûr de condition notable, pleine de services et de mérites évidents, en charge près des grands et dans leurs conseils, parfaitement appuyée, apparentée même à des seigneurs, et poussée de toutes parts dans la guerre, dans les finances et au Palais.

Un point seulement n’a pas été assez détaché dans ce qui précède, et je rappelle que M. de La Mothe, l’aïeul de toute cette famille, celui qui ne portait sa robe qu’à la Chambre des comptes, s’était fait huguenot, qu’il ne se convertit qu’après la Saint-Barthélémy, et que plusieurs de ses fils restèrent de la Religion ou n’abjurèrent que tard. Ce coin, voilé le plus possible par ses petits-fils de Port-Royal, relevé malignement par les Jésuites, doit être indiqué de loin au fond de notre tableau, et y tient plus peut-être que les Arnauld eux-mêmes ne croyaient[1]

  1. Racine paraît l’avoir tout à fait oublié lorsqu’il dit de M. Ar-